Publié : 4 avril 2010

Belzec

  • Belzec

Le centre de mise à mort de Belzec fut le deuxième à être construit par les nazis, après celui de Chelmno. Ce fut le premier des centres de mise à mort de l’Aktion Reinhardt. Sa construction fut décidée durant l’hiver 1941. Le camp entra en service en mars 1942.

Localisation

Le centre de mise à mort de Belzec se trouvait au sud-est de la Pologne entre les villes de Zamosc et de Lvov, sur la voie de chemin de fer Lublin-Lwow, dans une région où les communautés juives étaient nombreuses.

Belzec en quelques dates

  • 17 Mars 1942 - Juin 1942 : Première phase de fonctionnement

Le camp possèdait alors 3 chambres à gaz en bois. Plus de 80 000 Juifs furent gazés durant cette période.

  • Juillet 1942 - Novembre 1942 : Deuxième phase de fonctionnement

Les activités du centre de Belzec furent interrompues en mai 1942 afin de construire de nouvelles installations de mise à mort : six chambres à gaz en béton furent alors construites. Elles permirent d’assassiner environ 5 000 Juifs par jour. En quatre mois, ce sont près de 400 000 Juifs qui furent assassinés, ainsi que quelques milliers de Tziganes.

  • Novembre 1942 - Mars 1943 : Destruction des installations

Dans les premiers mois de 1943, le centre de Belzec fut détruit par les nazis. Ils voulaient effacer toute trace de leurs crimes. Les cadavres furent donc exhumés, brûlés en plein air. Les installations furent complètement démantelées, la terre fut labourée, des arbres furent plantés. Une ferme fut construite, confiée à un ancien garde ukrainien.

Durant l’été 1944, les forces soviétiques arrivèrent à l’emplacement de l’ancien centre d’extermination de Belzec.

Les installations de mise à mort

Un centre de dimensions modestes

Le centre s’étendait sur 275 m de longueur et 263 m de largeur. Il était protégé par une enceinte de fils de fer barbelés. Cinq miradors en assuraient la surveillance : un dans chaque angle et un au milieu. Le camp se composait de deux parties :

  • dans la première d’entre elles ou "camp n°1" se trouvaient les bâtiments administratifs ainsi que la zone d’arrivée des déportés juifs.
  • dans la deuxième partie ou "camp n°2" se trouvaient les installations de mise à mort : chambres à gaz, fosses communes et bûchers.

Ces deux parties étaient reliées par un long passage camouflé par des branchages et appelé le "boyau", le "tube" ou Schauch en allemand.

L’encadrement du camp

La direction du centre de Belzec fut confiée au SS-Sturmbannführer Christian Wirth qui avait participé au programme d’enthanasie T4. Gottlieb Hering lui succéda.

L’encadrement du camp était confié à une trentaine de SS aidés par environ 120 gardes ukrainiens.

Le processus de l’extermination

Une fois descendus des trains, les déportés juifs étaient séparés : d’un côté les hommes et de l’autre les femmes et les enfants.

Le processus s’opérait avec une telle violence et une telle rapidité que les victimes n’avaient aucun moyen de réagir.

On leur faisait croire qu’ils allaient prendre une douche et qu’on allait leur couper les cheveux en vue de les envoyer travailler dans un camp. Les installations de mise à mort étant cachées, ils ne pouvaient savoir qu’ils allaient être tués.

  • Ils étaient gazés avec du monoxyde de carbone envoyé par un moteur diesel de char russe. Puis les corps étaient sortis des chambres à gaz et enterrés dans des fosses.

Lorsque les SS décidèrent de détruire le camp, ils firent exhumer les corps enterrés pour les brûler en plein air.

Les victimes

C’est à Belzec que l’extermination fut la plus intensive : Belzec détient en effet le triste record du nombre de morts par m2, ainsi que celui du nombre de victimes par jour. Le taux de mortalité y fut de 99,99%.

Les seuls survivants que l’on connaisse à ce jour sont Rudolf Reder, Haïm Hirszman et Braha Ranffmann.

  • Rudof Reder réussit à s’échapper après avoir passé 4 mois dans le camp. Il est mort au Canada dans les années soixante.
  • Haïm Hirszman fut appelé à témoigner devant la commission juive de Lublin et fut assassiné par des Polonais antisémites en mars 1946.
  • Braha Ranffmann avait 7 ans en 1942. Sa mère put la faire sortir du camp et elle fut recueillie par une famille polonaise ; elle vécut cachée pendant 20 mois dans un réduit où elle ne pouvait même pas tenir debout. Elle a livré son témoignage dans le film de Guillaume Moskowitz, "Belzec".

On estime que 500 000 à 600 000 Juifs furent exterminés à Belzec, en majorité originaires de Pologne, mais également d’Allemagne, d’Autriche et de Tchécoslovaquie, ainsi que des dizaines de milliers de Tziganes.

Des témoignages

Les témoignages sur Belzec sont très peu nombreux. Néanmoins, ceux qui ont été faits témoignent de la détermination des nazis à mener à bien, le plus rapidement possible leur projet d’extermination des Juifs d’Europe.
  • Ils témoignent de l’horreur des crimes commis.
Rudolf REDER

« Le bâtiment était bas, long et large. Il était fait de béton gris, avec un toit plat en carton bitumé, recouvert d’un filet muni de branchages.
 
On entrait sans perron par trois marches d’environ 1 mètre de large.
 
Devant le bâtiment, il y avait un grand pot avec des fleurs aux couleurs vives et un écriteau très lisible : « Bains et locaux d’inhalation ». Les marches menaient à un couloir sombre et vide, qui était très long, mais large seulement de 1,5 mètre.
 
À droite et à gauche s’ouvraient les chambres à gaz par des portes de bois de 1 mètre de large. Le couloir et les locaux étaient plus bas qu’il n’est habituellement. Leur hauteur ne dépassait pas 2 mètres.
 
Au mur qui faisant face à la porte de chaque chambre se trouvait une porte mobile par laquelle on jetait dehors les corps des victimes des gazages.
 
Hors du bâtiment, il y avait un appentis de 2 mètres sur 2 où était installé le moteur à gaz.
 
Les chambres étaient à 1,50 mètre au-dessus du sol. Ces chambres pouvaient contenir en une seule fois 1.500 personnes, soit un convoi d’environ 15 wagons de marchandises. »
Les SS Gley

« C’est alors que commença l’exhumation et la crémation des cadavres. Cela doit avoir duré de novembre 1942 à mars 1943.
 
Les crémations avaient lieu continuellement de jour et de nuit, tout d’abord en un, puis en deux foyers. On pouvait brûler 2000 cadavres en vingt-quatre heures dans un seul foyer.
 
Quatre semaines après le début des opérations de crémation, on construisit un deuxième foyer. Dans l’un, en cinq mois, on a brûlé environ 300.000 cadavres, et dans l’autre, en quatre mois, 240.000. Il s’agit, bien sûr, d’évaluation approximative.
 
Le chiffre total de 500.000 cadavres devrait être exact.
 
Ces crémations de cadavres exhumés étaient une opération tellement affreuse du point de vue de l’esprit, de la vue, de l’odorat que les hommes habitués à vivre aujourd’hui dans les conditions de vie civilisée ne peuvent en imaginer l’horreur. »
Le SS Alfred SCHLUCH

« Le déchargement des wagons était effectué par une corvée de travail juive sous la direction d’un kapo.
 
Deux ou trois membres du personnel allemand surveillaient les opérations.
 
Les juifs qui pouvaient marcher devaient se rendre au lieu de rassemblement. On leur disait qu’ils allaient être déplacés et qu’ils devaient auparavant être baignés et désinfectés. C’était Wirth, mais aussi son interprète, un kapo juif, qui tenait ces propos.
 
Puis on conduisait les juifs aux baraquements de déshabillage. Dans l’un se déshabillaient les hommes, dans l’autre les femmes et les enfants. Après le déshabillage, les hommes d’une part, les femmes et les enfants d’autre part passaient par le boyau.
 
Mon poste dans le boyau était au voisinage des baraquements de déshabillage.
 
Wirth m’y avait affecté parce qu’à son avis j’avais une influence tranquillisante sur les juifs. Quand ceux-ci avaient quitté le baraquement de déshabillage, je devais leur montrer le chemin des chambres à gaz.
 
Je crois que je leur facilitais le chemin, car mes attitudes et mes paroles devaient les convaincre qu’ils allaient réellement se baigner.
 
Quand ils furent entrés dans les chambres, les portes furent fermées par Hackenholt ou par les Ukrainiens qui lui étaient affectés.
 
Aussitôt, Hackenholt mettait le moteur en marche. Après cinq à sept minutes, d’après mon évaluation, on regardait à l’intérieur par un judas pour vérifier que tous étaient morts. On ouvrait alors la porte extérieure et on aérait.
 
Après l’aération de la chambre à gaz arrivait la corvée juive sous le commandement d’un kapo.
 
Les juifs avaient été entassés très serrés dans les chambres. Aussi les corps ne gisaient-ils pas sur le sol : ils étaient enchevêtrés les uns dans les autres, certains penchés en arrière, d’autres en avant, l’un sur le côté, l’autre agenouillé.
 
Une partie des cadavres étaient souillés d’excréments ou d’urine, d’autres de bave. J’ai pu observer que les lèvres et la pointe du nez avaient pris une coloration bleuâtre.
 
Certains avaient les yeux fermés, d’autres les yeux tournés. Une fois retirés des chambres à gaz, les cadavres étaient examinés par un dentiste. Celui-ci enlevait les bagues et arrachait les dents en or.
 
Il jetait les objets de valeur ainsi recueillis dans un carton près de lui.
 
Après cette opération, les cadavres étaient jetés dans les grandes fosses préparées à cet effet. »

Un Mémorial

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Panorama du Mémorial de Belzec

En 2004, un Mémorial impressionnant a ouvert ses portes sur le lieu du centre de mise à mort de Belzec, à la fois lieu de mémoire, de recueillement et musée.

Un petit film retrace l’inauguration du mémorial, il est malheureusement en anglais mais permet d’avoir une vision d’ensemble sur le mémorial :

Aymeric, Nicolas, Thomas